Danganronpa : du livre vers le jeu vidéo
La dernière fois, je vous présentais un titre représentant parfaitement l’évolution de la littérature à l’heure du numérique (n’hésitez pas à lire la présentation de 999: 9 Hours, 9 Persons, 9 Doors si besoin). Aujourd’hui je vais encore vous montrer que le jeu vidéo n’a pas à rougir face à ses cousins bouquins.
Toujours sous la forme d’un visual novel – genre de jeu ressemblant le plus à un livre ou plutôt une bande dessinée -, l’équipe japonaise de Spike a fait fort cette année en sortant deux titres d’une qualité irréprochable et qui ont été encensés par la critique (tous les deux ont 80 sur metacritic – je ne suis pas fan de ce site mais bon …) Le premier jeu se nomme Danganronpa (le second aussi car c’est sa suite) et c’est clairement l’un des meilleurs jeux de la PS Vita en 2014.
Comme 999, vous incarnez un jeune homme un peu perdu, dans un univers étrange alors que vous aviez une heureuse vie. Makoto Naegi est un élève banal mais il a eu l’honneur d’être sélectionné, par tirage au sort, pour rentrer au sein de la prestigieuse Hope’s Peak Academy, un lycée n’acceptant que l’élite parmi les élites. Mais vous l’avez peut-être deviné, votre séjour dans cet établissement va se transformer en véritable cauchemar où ni Philippe Etchebest ni Gordon Ramsay auraient envie de participer.
Danganronpa est un huis clos dans le lycée devenu alors prison. Imaginons que vous êtes enfermé à vie avec vos 14 autres amis, cela pourrait à peu près bien se passer. Mais qu’en est-il quand un psychopathe s’amuse à vous pousser à vous entretuer ? Monokuma est un personnage haut en couleurs, est la mascotte de la licence, se reconnait parmi mille avec son visage mi-mignon, mi-démon, et est sûrement l’un des personnages les plus vicieux du monde du jeu vidéo.
Tout établissement scolaire est régi par des règles, notre lycée aussi. Et l’un des paragraphes de ce règlement stipule qu’il est tout à fait possible de quitter cette prison. La condition est simple : il faut tuer quelqu’un et ne pas être désigné coupable à l’issu d’un procès où tous les survivants – dont le meurtrier – ont le rôle de jury (ça ressemble au jeu Loups Garous si vous connaissez).
Ce jeu malsain va se dérouler tout au long du jeu. Le scénario est écrit de telle façon à vous enfoncer de plus en plus dans la dépression au fur et à mesure de voir vos amis mourir mais aussi de découvrir que certains sont en fait de gros enfoirés (et je reste poli). Si l’histoire le permet – votre destin est tracé, il n’y a qu’une fin possible – vous pourrez découvrir certains secrets du lycée, de vos geôliers ou de vos compagnons de classe lors de quartiers libres. Il est possible d’améliorer ses relations en sortant avec quelqu’un et en lui offrant des cadeaux. Ce système plus ou moins emprunté de Persona (j’en parlerai le mois prochain) est essentiel dans la dramaturgie de ce titre dont le leitmotiv est le désespoir (à l’image de Game of Thrones : ne vous attacher pas aux gens car ils vont certainement crever un jour ou l’autre). Les créateurs du jeu sont donc très sadiques avec un Monokuma psychopathe aux manettes et un système pour se faire des amis qui peuvent mourir le lendemain.
Comme je le disais, votre destin, les meurtres, etc. ne changeront pas à chaque nouvelle partie. Ce parti pris empêche de relancer une partie (on sait ce qu’il va se passer à l’avance) mais cela permet au scénariste de maitriser l’histoire et de nous emmener pile-poil où il veut : le désespoir, la crainte d’y passer à tout moment (ne vous attendez pas nécessairement à un happy ending). Malgré cet aspect de n’être qu’une marionnette (je le rappelle, un visual novel est essentiellement un jeu où l’on lit les dialogues, les didascalies sont représentées par le jeu lui-même), on nous laisse le contrôle total de notre destiné au moment des procès. En effet dès qu’un meurtre est commis, tout le monde se met dans la peau d’un mec du CSI (lancez une musique des Who pour vous mettre dans l’ambiance) en recherchant des indices, en interrogeant les gens ou en auscultant le corps jusqu’au moment où Monokuma en a marre et vous appelle à la barre.
Le jeu se transforme alors totalement pour ressembler un peu aux titres Ace Attorney de Nintendo. À l’aide de plusieurs mini jeux, à vous les joies des objections, des faces à faces à base de contradictions, de réflexions, de délibérations, etc. bref tout le matériel du parfait avocat. Certaines affaires seront assez faciles à comprendre mais la plupart ont été confectionnées de façon à ne piger le truc qu’après 30 minutes de débat minimum. Tout est très bien écrit, les révélations sont parfois choquantes, on s’extasie à chaque fois devant le génie des mecs qui ont écrit ce récit.
30 heures, c’est le temps qu’il m’a fallu pour venir au bout de Danganronpa premier du nom, et cela n’a pas tout le temps été de tout repos. Entre les morts et un Monokuma exécrable, on ne ressort pas indemne après une telle aventure. On se rend compte que le jeu vidéo n’est pas le mauvais élève que les médias essaient de vous faire croire et qu’il recèle de petites pépites insoupçonnées. Dommage de ça ne sorte que sur PSP ou PS Vita (le titre sur Vita n’est qu’un remaster de la version PSP) et que ce soit qu’en Anglais (voix en Japonais ou Anglais et texte uniquement en Anglais) …
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