Deadlands Reloaded, six-coups et Roche Fantôme
Deadlands Reloaded, Wild Weird West¹
Deadlands Reloaded semble issu d’un cerveau malade tant son concept est singulier : un joyeux mélange d’Ouest Sauvage, de Steampunk² et d’horreur mâtinée de Lovecraft. Loin d’être une tambouille indigeste faite de restes mal associés, on assiste à une jolie relecture de l’imagerie western où l’intrusion du fantastique vient bousculer les codes d’un genre familier mais peu exploité en jeu de rôle, peut-être en raison d’un manque de renouvellement et de fantaisie. Bienvenue dans le Weird West, où les pied-tendres ne font pas de vieux os…
Deadlands Reloaded nous projette dans un Far West alternatif où les événements ne se sont pas déroulés comme prévu : la Guerre de Sécession n’a pas pris fin, les Indiens ont fondés deux nations autonomes, la Californie s’est effondrée dans le Pacifique… et le surnaturel s’est invité dans ce quotidien déjà bien troublé. La Foi, la Magie et autres bizarreries se sont éveillées en même temps que de terrifiantes créatures, issues de nos pires cauchemars, qui rôdent une fois la nuit tombée pour dévorer le voyageur imprudent. A cela s’ajoute la découverte de la Roche Fantôme, un charbon aux propriétés calorifiques hors-du-commun qui brûle en gémissant et dégageant d’étranges volutes de fumée, qui a inspiré les esprits les plus brillants et les plus dérangés pour le meilleur et pour le pire. Entre les guerres politiques, spirituelles, économiques (les barons du rails sont aussi de la partie) et la survie au jour-le-jour dans une époque instable et tourmentée, le Gang (les personnages-joueurs) vont avoir du pain sur la planche.
Côté règles, le système de Deadlands Reloaded (une variation du système générique Savage Worlds, lui-même inspiré… de la première édition de Deadlands !) est efficace et met délicieusement dans l’ambiance de l’Ouest Sauvage. Le système de résolution des actions allie classicisme et rapidité : on jette un dé correspondant à un trait ou une compétence contre un seuil de difficulté. Mais les choses sérieuses commencent avec l’utilisation de jeton de poker pour générer des bonus en cours de jeu ou d’un jeu de 54 cartes pour gérer l’initiative en combat. Plus encore, les Hucksters (des magiciens tirant leur pouvoir d’un traité de jeux) doivent tirer une main de poker pour résoudre l’utilisation des sorts : plus la main est forte, plus les effets sont dévastateurs. Idem pour les duels, classique incontournable du western, qui propose un subtil mélange de tests de compétences et de Texas Hold’em : immersion garantie.
Deadlands Reloaded, par ses multiples inspirations, aurait pu être un de ces jeux de rôles qui se contentent d’empiler les idées sans chercher de cohérence ou d’identité propre. Heureusement le jeu de Shane Hensley et BD Flory évite cet écueil en intégrant chaque élément dans la chronologie de son univers et en laissant entrevoir les développements possibles de cette réalité alternative. C’est là que réside la force de Deadlands Reloaded : utiliser des repères familiers pour faciliter l’immersion et saupoudrer le tout d’une bonne dose de mystères pour susciter notre curiosité. Si vous n’êtes pas réfractaires aux six-coups, le Weird West n’attend plus que vous pour révéler tout ses secrets.
Deadlands Reloaded est un jeu de rôle western-horrifique de Shane Hensley & BD Flory, édité en France par Black Book Editions
¹ référence croisée entre le Weird West, l’univers de Deadlands Reloaded, et Wild Wild West, nom original de la série Les Mystères de l’Ouest et influence évidente du jeu ² mouvement artistique faisant la part belle à l’esthétique victorienne et aux machines à vapeur ; Jules Verne en est l’une des figures les plus emblématiques