INS/MV, Dieu et Satan jouent au baby…

INS/MV, entrez de plain-pied dans le Grand Jeu (ou pas)

Pour moi, parler d’INS/MV c’est un peu comme Proust parlant de sa madeleine (toutes proportions gardées, je n’ai pas le melon à ce point) : le jeu de rôle de Croc occupe une place tellement particulière dans mon cheminement rôliste que je pourrais en parler des heures, avec des trémolos dans la voix et des étoiles plein les yeux. Alors forcément, quand Raise Dead annonce une souscription pour une cinquième édition d’INS/MV, pilotée par Croc entouré d’une partie de sa Dream Team d’origine, je suis prêt à dégainer ma Carte Bleue. Et soudain le drame, la date annoncée du 31 janvier est repoussée à mi-février pour de sombres raisons (sûrement un complot fomenté par les Forces du Bien pour discréditer cet ouvrage impie)… mais pour moi une bonne occasion d’en rajouter une couche, histoire de vous donner envie de découvrir ce monument du jeu de rôle français.

In Nomine Satanis / Magna Veritas (d’où le INS/MV bien pratique) vous propose d’incarner respectivement un démon ou un ange, incarné dans un corps humain à notre époque pour faire triompher la cause de son camp comme autant de pion dans le Grand Jeu… pardon, comme autant d’éléments stratégiques dans la guerre éternelle que se livrent le Ciel et l’Enfer pour l’âme des humains. Il s’agit donc de combattre l’ennemi (ça c’est facile) et de faire le Mal / le Bien (là c’est déjà moins évident) en toute discrétion car les humains ne doivent en aucun cas être conscient qu’ils sont l’objet de toutes les attentions (ici on touche un point sensible…). Une fois sur Terre, chaque démon / ange va faire tout son possible pour y rester le plus longtemps possible car on s’ennuie ferme tout en haut et tout en bas, sous l’œil vigilant d’une hiérarchie qui peut se montrer plus que tatillonne avec les éléments perturbateurs.

Tout comme sa double identité, INS / MV est un jeu de rôle qui peut se pratiquer de deux manières différentes. L’une des marques de fabrique du jeu, ce sont ses scénarios qui mêlent actualité et humour noir avec une irrévérence bien affirmée. Fait divers local ou grand titre à la une, n’importe quel événement peut être relu à la sauce démoniaque / angélique et faire l’objet d’une intrigue. Typiquement, il se passe un truc suspect et les personnages sont convoqués pour voir s’il n’y aurait pas intervention du camp adverse, avec efficacité et discrétion bien entendu. Présenté ainsi, INS/MV est le prototype du jeu à mission référentiel et second degré, qui se prête parfaitement à du one-shot sans investissement particulier, dont l’univers peut être présenté en 5 minutes et où les changement de personnage et de joueurs se font sans souci (souvenez-vous de Mission : Impossible, où Jim Phelps composait son équipe en début d’épisode).

Mais INS/MV est aussi un jeu à secrets taillé pour la campagne. Au fil de ses quatre éditions et de leur trentaine de suppléments, l’univers s’est vu enrichi et bouleversé parfois de manière tellement significative qu’il serait criminel de ma part de vous gâcher le plaisir. Disons seulement que les personnages vont prendre le Grand Jeu de plein fouet sur le coin du nez, qu’ils vont prendre un maximum de risques et qu’ils ne seront pas forcément bien remercié pour ça, le bonheur (relatif) des uns entraînant fatalement le (vif) déplaisir des autres (et pas seulement dans le camp adverse). Bref, des intrigues de pouvoir et d’influence à haut niveau où les Pjs devront savoir où se trouve la limite entre être utile et devenir gênant. Entre la lutte contre le camp d’en face, les luttes intestines et les confrontations avec d’autres factions, il y a de la matière pour jouer pendant des années sans jamais avoir fait le tour de ce vaste univers…

Je ne m’étendrai pas plus avant sur le jeu car il y a tellement à dire sur INS/MV que je devrai probablement vous saouler pendant de nombreux caractères pour aborder les Pouvoirs (la carotte qui fait avancer les personnages), les Limitations (le bâton qui va avec), le dé 666 (délicieusement à-propos), les Supérieurs qui ont tous leur vision du Bien et du Mal et les Serviteurs qui ont une folle envie d’indépendance… Si vous aimez rire de tout, jouer dans une ambiance gentiment paranoïaque et affronter vos ennemis à renfort de pouvoirs impressionnants (j’ai moi-même souvent utilisé ce système pour des adaptations de super-héros en jeu de rôle), INS/MV devrait vous apporter entière satisfaction autant en scénarios isolés qu’en campagne. Pour les autres, je ne saurais que trop vous conseiller l’excellente soirée-enquête Dieu est mort, qui constitue une bonne entrée en matière pour découvrir cet univers si foisonnant.