Interférences : De la Science-Fiction Made in La Havane.
Interférences : De la Science-Fiction Made in La Havane.
Parmi les contreparties proposées lors du au projet Fiction, sur Ulule (oui encore un projet participatif), il y avait un livre de quelques 200 pages offerts. Ce livre était donc » Interférences » de l’auteur Cubain, Yoss. Et, n’ayant pas envie de m’embarquer dans de gros livres pour le moment, et pour changer de Pierre Bordage (il faut de temps en temps), j’ai donc plongé dans la science-fiction cubaine.
Ce livre contient trois histoires, toutes parlant des relations entre deux pays « imaginaires » ou presque, le grand pays ; une démocratie où le capitalisme est roi; et le petit pays; une « démocratie » aussi mais où un seul même candidat communiste est autorisé à se représenter à chaque élection et ne tolérant aucune opposition. Le parallèle entre les relations USA – Cuba est à peine voilé, mais l’auteur ne le dit pas et vivant à Cuba on peut comprendre qu’il se protège quelque peu.
La première des nouvelles se nomme « Interférences« . Il s’agit de l’histoire d’une famille cubaine, la famille Pérez. Une famille banale, un couple, deux enfants (une fille, un garçon), regardant régulièrement les émissions de la télévision nationale. Un jour, suite à un souci de réception et le père utilise la méthode de dépannage « cinétique ». En gros, il balance de gros coup de marteau sur l’antenne jusqu’à ce que l’image revienne. Suite à cette réparation, les Pérez voient les émissions avec quelques jours d’avance par rapport à leurs concitoyens. Dans ce pays, ce genre d’événements remonte en haut lieu et le « chef suprême » fera usage de ce phénomène de précognition, appelé « Effet Pérez », pour faire un pied de nez à son voisin du grand pays.
La deuxième nouvelle se nomme « Les pièces« . Un phénomène étrange touche le grand pays, des milliers de personnes se transforment en… meuble; fauteuil, fenêtre! ou en pièces détachées de vaisseau. C’est la panique. Le petit pays est touché à moindre échelle, mais quelques cas sont déclarés. Quelle est la cause de ses transformations et comment les deux pays géreront le même phénomène? C’est là tout l’intérêt de cette histoire.
La troisième nouvelle se nomme « Les Cheminées » : Le grand pays et le petit pays ont une frontière commune, et de chaque côté de cette frontière ils ont construit le même genre d’usine. Des usines à produire des boulons à deux arêtes. Tout irait bien si lors d’un discours du guide suprême du petit pays, l’ombre de la cheminée n’était pas venue obscurcir le ciel du leader maximo. L’outrage est intolérable! Celui-ci ordonne que la cheminée de son usine soit plus haute! Une course, à qui aura la cheminée la plus grande, commence entre les deux pays. Outre le côté technique et physique de l’ouvrage c’est surtout une course idéologique qui est engagée. Jusque où un leader politique est-il prêt à aller pour moucher son adversaire?
Bien sûr ce n’est pas de la science-fiction hardcore, avec des vaisseaux, des lasers etc… Mais ce qui m’a plu c’est surtout le fait que l’irréel rentre par petites touches dans le quotidien, l’improbable imprègne la vie de tous les jours et le rend réaliste. Yoss le fait avec beaucoup d’humour, il y a un côté Douglas Adams dans certaines situations cocasses et surtout il y a une satire du régime politique de son pays mais il pointe aussi les travers des pays occidentaux, des Etats-Unis en particulier. Quand on imagine les risques encourus par les opposants au régime, on se dit que même si c’est parfois un peu potache dans les descriptions, Yoss a un courage de dingue d’écrire certains passages.
En bonus on trouve une biographie, une interview très intéressante de l’auteur ainsi qu’une quatrième et même une cinquième nouvelle, mais comme elles sont considérées comme une chanson cachée d’un CD, je vous laisse le plaisir de les découvrir. Je peux juste vous dire qu’elles se nomment « Ils étaient venus » et « Seppuku«
Avec Interférence et Yoss, son auteur, j’ai découvert un livre attachant, drôle et pertinent sur la situation de Cuba, même si elle a changé ces dernières semaines. Une bonne surprise et un auteur qui gagne à être connu.
