Muttpop nous présente ses sorties 2014 !
Nicolas Forsans est le responsable éditorial des éditions Muttpop éditeur de livres foncièrement tournés vers la Pop Culture. Rencontré lors du festival BD en Chinonais il a répondu à nos questions.
Bonjour Nicolas. Peux-tu nous parler de Muttpop ?
Muttpop est une société fondée en 2007. A l’époque, nous produisions des artoys. Ce sont des figurines de collection en plastique produites en tirage limitée. Notre angle d’attaque éditorial, c’était de transformer des personnages connus en artoy, notamment des personnages de BD. Nous avions à notre catalogue les figurines Lucha Libre, oui les gros catcheurs qui ont très bien marché à l’époque. On a fait aussi les personnages de la collection Tchô, puis Molly de la série d’animation Oban Star Racer. Ensuite nous avons tous un peu splitté sur d’autres projets. La société a été mise en sommeil mais on me demandait régulièrement si de nouveaux projets seraient lancés. Moi, j’étais parti sur d’autres choses et à un moment donné, je me suis demandé : est-ce qu’on arrête tout ou bien on continue ? C’était il y a 2 ans, à un moment de ma vie où j’avais envie de développer des choses plus personnelles, de quitter le monde salarial pour me remettre à mon compte. Mon métier de base c’est éditeur de livres. En 2012, je suis tombé sur un livre qui venait de sortir aux États-Unis : Cult of LEGO. Il est devenu Culture LEGO en français. En tant que fan de LEGO, je me suis dit qu’il y avait un truc. Ce livre m’a tout de suite parlé, d’abord grâce à cette superbe couverture du spaceman rouge. Je me suis renseigné pour savoir si les droits étaient libres. Ils l’étaient pour le marché français. Comme j’ai une certaines habitude de ces choses-là, je me suis dit : « Allez on y va » et j’ai acheté les droits. C’est sorti en septembre 2012. Le livre dans sa version souple en est à sa deuxième réimpression. Ça marche très bien. Et avec le succès du livre, on a décidé de lancer une vraie ligne d’édition. Muttpop qui avait démarré en publiant des artoys s’est transformée en maison d’édition. Avec cette petite différence que l’on a été chercher notre public avec des nouveaux outils qui sont à notre portée, comme le crowdfunding. Même si je suis fan de LEGO, je n’étais pas connecté avec la communauté des fans en france. J’ai porté le projet sur une plateforme de financement participatif et c’est comme ça que je suis rentré en contact avec les fans français. De fil en aiguille, je me suis retrouvé avec 300 pré-commandes du livre avant même de commencer la production. Nous avons imprimé 1000 ex d’une édition cartonnée. Depuis cette première aventure, nous avons sorti un second livre sur les briques LEGO cette année parce qu’il y a une vraie demande autour de ce sujet, il y a plein de choses à faire.
Comment vois-tu ce retour énorme du LEGO, justement ?
Je pense qu’il y a une génération qui a grandi avec les briques LEGO et qui aujourd’hui est devenue parents. C’est la génération des 30 À 40 ans. Ceux qui ont grandi avec des LEGO dans les années 80. Ils transmettent des valeurs à leurs enfants et parmi ces valeurs le jouet Lego prend une valeur toute particulière, ils veulent partager ce qu’ils ont vécu avec leurs enfants. LEGO a stimulé cette situation ou en tout cas fait en sorte que les adultes d’aujourd’hui redeviennent d’une certaine manière les clients qu’ils n’étaient plus. Parce que effectivement aujourd’hui il y a pas mal de produits LEGO qui marchent vraiment beaucoup parce que ce sont des adultes qui les achètent. La marque LEGO s’est remise en question et a tout simplement proposé de meilleurs produits au fil des ans. C’est bête à dire mais c’est la réalité. Ils ont développé tout un tas de univers souvent des licences mais pas seulement qui les ont remis un peu dans la lumière. Star Wars reste leur licence phare, celle qui a justement permis de continuer à collectionner des produits Lego pour autre chose que le jouet que le Lego était. Ensuite il faut parler d’Internet qui est un outil qui a permis aux fans de se connecter entre eux et de se dire qu’il n’était pas tout seul dans leur coin, des communautés de fans se sont fédérés. L’explosion de la vidéo sur Internet ces dernières années ont permis à la brique LEGO de devenir très tendance grâce aux brickfilms qui sont évidemment prescripteurs pour diffuser tout ce qu’on peut faire avec des LEGO. il faut dire que la créativité qui s’en dégage est contagieuse. Les gens commençaient à réaliser tout ce qu’on peut faire avec des briques, ça n’est pas juste un jouet, ça stimule l’imagination et permet de faire énormément de choses. De fil en aiguille, on peut vraiment dire que LEGO est rentré dans une dynamique qui les a amenés au top de la pop culture.
Aujourd’hui, si tu veux te faire connaitre et exprimer quelque chose, utilises des briques LEGO, tu as beaucoup plus de chance de te faire remarquer dans ton expression sur les réseaux sociaux. Évidemment aujourd’hui il y a tellement de gens qui le font que ça devient très concurrentiel mais ça reste super dynamique.
Gregz : Je vois pour mon fils il joue à LEGO Batman ça donne envie d’avoir d’autres jeux LEGO. Ça permet de découvrir d’autres d’univers.
Mais ça, c’est lié à la stratégie de la marque vraiment, d’assumer ouvrir les univers vers d’autres supports comme je jeu vidéo. Là aussi je pense que ça a permis a plein de gens de réaliser que LEGO n’était pas simplement qu’un jouet. Surtout qu’on pouvait jouer avec des LEGO sans en avoir chez soi et ça, pour le développement d’une marque et la défense de ses univers, ça été capital. Il faut bien se rendre compte que dans les années 90 que beaucoup d’enfants délaissaient les Lego. La brique était devenue ringarde face aux nouveaux médias, face aux jeux vidéo. Le succès de LEGO Star Wars en jeu vidéo a donc été très important. Il y a un point moins connu mais tout aussi important que je souhaite aborder, un évènement qui a forcé la marque à se remettre en question. La brique Lego avait été breveté à son invention et le brevet est tombé dans le domaine public. Du coup, d’autres marques se sont mises à faire des briques en plastique et évidemment çà a donné un bon coup de pied aux fesses de LEGO. Ils ont essayé de protéger le truc d’un point de vue juridique mais ils n’y sont pas parvenus. Ils ont été obligés de proposer des produits innovants ce qu’il avait un peu oublié en cours de route.
Le monde LEGO vous en parler au travers de Culture LEGO. Est-ce qu’il y a un nouvel ouvrage ?
Nous avons deux ouvrages au catalogue pour l’instant : il y a Culture LEGO qui dresse un panorama de tout ce qui peut être fait avec des briques Lego quand on est passionné et curieux. Il y a deux manières de pratiquer le LEGO : la première, vous achetez la boite, vous l’ouvrez, à l’intérieur vous avez un guide de montage et vous suivez ce guide pour construire votre maquette, puis vous jouez avec le jouet. Si jamais vous sortez du guide de montage, ce matériau en plastique n’a qu’une seule limite : votre imagination. Aujourd’hui, il y a beaucoup de personnes qui pratiquent le LEGO en dehors du cadre officiel. Cela crée évidemment tout un tas d’activités connexes : il existe des conventions ou les fans se rencontrent pour échanger et montrer leurs réalisation, il y des associations, des LUG partout dans le monde (Lego users group). Toute une communauté s’est créée, finalement, et donc ce livre Culture LEGO vous montre au travers de photos spectaculaire tout ce qu’il est possible de faire avec du LEGO. Mais ça peut aussi aller jusqu’à des applications artistiques, nous parlons aussi également de l’aspect pédagogique du LEGO, quand il est utilisé par des médecins ou des pédiatres.
L’autre livre qui est sorti en février 2014 s’appelle Legoramart : il creuse l’un des chapitres dont j’ai parlé tout à l’heure sur les artistes LEGO. A partir du moment où le but de LEGO est de stimuler la créativité, il n’y a pas de limite. On peut aller très loin dans l’expression et on peut évidemment parler d’une expression artistique tant elle fait preuve d’une originalité qui touche les gens. On s’est donc rendus compte qu’il y avait des personnes qui ne faisaient pas forcément partie de le communauté des fans de la marque et qui vivaient professionnellement d’une activité artistique autour du LEGO. Nous avons donc voulu là aussi dresser un panorama et faire une sélection – assez subjective, ce qu’on assume tout à fait – d’un certain nombre d’artistes que nous présentons. Vous avez par exemple Jason Freeny qui découpe des minifigurines en deux et qui leur invente des entrailles, vous avez Nathan Sawaya dont les sculptures représentants des silhouettes humaines ont fait le tour du monde. Nous avons sélectionné le meilleur de ces artistes ou en tout cas de ce qu’on considère comme leurs travaux les plus intéressants. C’est donc un livre sur l’art LEGO, un beau livre de photos qu’on a essayé de pousser dans ses retranchements au niveau qualitatif. Finalement, ces deux livres sont très différents mais ils traitent du même sujet, à savoir tout ce qu’il est possible de faire avec des briques en plastique.
Et puis il y a un autre ouvrage c’est Des Comics et des Artistes ?
Des comics des artistes, c’est un livre vraiment intéressant, personnellement mes lectures BD étaient tournées vers le comics quand j’étais enfant : je suis passé du Journal de Mickey à Strange. A cette époque-là, y avait pas encore des films, évidemment. C’était une sous-culture. Ce qui est intéressant avec Des comics et des artistes c’est qu’il a été écrit par un historien du comics : Christopher Irving qui s’est associé avec un photographe: Seth Kushner. Leur idée, c’était de faire des portraits d’artiste du comics issus de tous les courants artistiques, de toutes les époques. Chaque artiste a été pris en photo par Seth Kushner ce qui donne une direction artistique au livre, une ligne qualitative et éditoriale puisque c’est la même personne qui fait toutes les photos. Les artistes sont montrés comme on ne les a jamais vus. On a plutôt l’habitude de les voir dans des conventions, sous la chaleur de la foule, derrière une table, un peu distant, pas vraiment dans leur univers. Dans cette ouvrage il y a une vraie mise en scène pour les valoriser et rentrer dans leur univers plus personnel. Sachant que le point de départ du livre par les deux créateurs, c’était surtout de mettre en scène les artistes qui vivent à New York car c’est aussi un livre sur la ville de New York. La quasi-totalité des artistes sont photographiés à New York et quelques uns à Chicago. Voilà pour le point de départ du livre. Et le résultat couvre plusieurs décennies de la production américaine. Ils sont partis de la création de Superman pour remonter jusqu’à maintenant. Il y a un fil conducteur au livre : ce ne sont pas que des portraits qui s’enchaînent mais ils essaient de raconter un combat des créatifs pour l’affirmation de leur travail en tant qu’artiste. L’univers des comics américains n’est pas un univers d’auteurs. C’est un univers de créatifs dans lequel on commande à ces artistes des travaux, puis soit ils disparaissent, soit la seule reconnaissance qu’ils ont , ce sont les fans en convention. Ce qui est intéressant, c’est que Christopher Irving raconte cette histoire sous-jacente à cette industrie, c’est comme ça qu’ils la nomme, là-bas. Et finalement on arrive aujourd’hui à une bande dessinée qui est multi-facette aux États-Unis, il y a la culture du mainstream avec les grands éditeurs américains mais il y a aussi tout un pan de la bande dessinée indépendante qui existe et qui vit bien. Il raconte vraiment tout ça et c’est vrai que c’est un livre original grâce à cette approche-là, d’avoir su mélanger les époques et les courants. En fait, il raconte aussi bien le mainstream que l’underground ou l’indé. Il y a vraiment une largesse dans le traitement et on peut vraiment s’y retrouver quelles que soit ses affinités avec cette bande dessinées là. Parce que évidemment, aujourd’hui, moi qui ai connu la bande dessinée à travers le mainstream américain, la bande dessinée des supers héros, si on s’y intéresse au delà, elle est beaucoup plus vaste que ça. Même si j’adore toujours les super héros, il y a plein de choses différentes qui m’intéressent.
D’autres projets en perspective pour Muttpop ?
Notre idée, c’est d’avoir un programme de sorties de 4 à 6 livres par an. Et de rester sur des livres qu’on a la capacité de défendre parce qu’on est une petite structure. On essaie de rester avec des livres avec lesquels on a une affinité. Notre but n’est pas d’inonder le marché. On travaille au coup de cœur. On va continuer à creuser le sillon autour du LEGO parce qu’il y a encore des livres à éditer et qu’il y a une demande. On a un livre qui va sortir normalement après l’été et qui racontera les coulisses de la renaissance de LEGO: De brique en brique. C’est un essai sur comment une société comme LEGO a pu innover et faire en sorte de renverser la vapeur alors que la boite était au bord de la faillite. Elle est aujourd’hui la deuxième marque de jouets au monde et bénéficie d’une dynamique ahurissante. C’est un ouvrage sur les coulisses d’une marque et sa succès story. L’auteur a pu rentrer dans l’intimité de la société et il a interviewé plein de gens. C’est vraiment intéressant comme sujet et çà plaira à la fois aux fans de LEGO mais aussi aux gens qui sont tout simplement curieux de marketing et de « success story ». On a sorti un autre livre qui s’appelle Culture Zombie il y a quelques mois. Notre spécialisation c’est de faire du beau livre d’image mais on essaie de faire aussi des livres qui ne sont pas forcément des livres d’images mais qui traitent de la pop culture sous un angle un peu différents. Ça peut être un angle économique, sociologique ou philosophique. On a aussi acheté les droits d’un livre qui s’appelle La vie en rose Kitty. Là en fait, ça raconte la mondialisation autour d’ Hello Kitty. Pour le coup, c’est assez fascinant j’ai appris des trucs que je ne connaissais pas. Par exemple, j’ignorais que Hello Kitty était arrivée en Europe en même temps que Goldorak. C’est écrit sous un angle sociologique par une universitaire mais qui écrit pour le tout public et non pour des gens spécialisés. C’est important de le souligner.
Un autre livre de photos sur le LEGO de l’espace sera bientôt disponible. C’est très spectaculaire et il sortira pour Noël. Mais aussi nous annoncerons la suite de Des comics et des artistes avec les mêmes auteurs. L’ouvrage s’appellera New York comics. L’angle d’attaque sera différent puisque c’est un livre sur New York, sur les comics mais plutôt sur les lieux emblématiques des comics. Le photographe fait une série de photos sur les lieux les plus célèbres qui ont été utilisés dans l’histoire des comics, que ce soit des lieux qu’on voit dans les BD ou les endroits où ont grandis les auteurs. Nous traverserons New York avec une nouvelle série de photos et le même historien pour les textes, Christopher Irving. Il nous racontera les anecdotes autour de toutes ces images. C’est un livre qui aura le même format, la même qualité. Nous nous amusons beaucoup à réaliser ce livre-là.
Cà fait déjà de beaux projets. Et au niveau planning ça donne quoi ?
Le livre sur les coulisses de LEGO – De briques en brique et La vie en rose Kitty ce sera pour le mois de septembre. Nous faisons actuellement financer De brique en brique sur Ulule. New York comics, c’est pour fin novembre et les LEGO de l’espace, c’est novembre aussi.
Financés sur Ulule à chaque fois ?
Non pas à chaque fois. Cela dépend du projet, des possibilités, de la difficulté de certains livres. Via Ulule nous pouvons vérifier la bonne viabilité de nos ouvrages quand ils sont plus « risqués », c’est un bon test. C’est l’intérêt de voir s’il y a un public qui s’intéresse ou pas à ça. Donc nous ne faisons pas a chaque fois appel au crowdfunding.
Par contre New York Comics, nous souhaitons le réaliser à la manière de Legoramart et Culture LEGO : nous voulons réaliser un coffret pour qu’on puisse ranger Des comics et des artistes avec New York Comics donc on a besoin d’Ulule. Nous ne pouvons pas financer aujourd’hui par nous-même la fabrication d’un coffret luxe donc nous avons besoin de ces plateformes pour nous aider.
Je pense que quand un livre est beau, il devient un objet non ?
C’est la tendance que nous voulons donner à nos ouvrage. La valeur ajoutée elle fonctionne bien quand le livre objet est bien pensé. Il faut que la forme soit en adéquation avec le contenu.
De toute façon, un bel objet, c’est toujours vendeur. On le voit dans l’industrie des jeux, si on n’offre pas un bon package, ça n’attire pas les gens.
Et puis ça force les gens à continuer d’aller dans les librairies. Pour ça on a encore quelques belles années !
Nous suivrons de très près les sorties de cet éditeur « Fournisseur de bons gouts depuis 2006« . Rendez vous dans un mois pour la finalisation du projet Ulule de « De brique en brique« .
Interview : Gregz et Mightyeaglelol
Transcription : Olivier
J’adore ! Et je trouve que Lego, c’est tout simplement ce qu’il s’est fait de mieux en marketing depuis les 20 dernières années tout simplement.