[Review] Fargo, la série
Fargo – le film (sorti en 1996)- est une des oeuvres majeures du duo des frères Coen, un petit bijou d’humour noir qui inclue de nombreux éléments chers aux réalisateurs: personnages atypiques et/ou pathétiques, ambiance particulière et situations souvent cocasses et grotesques, plans larges et la plupart du temps fixes, ainsi que des histoires tournant généralement autour du thème de l’argent.
La série anthologique (comme pour True Detective) éponyme, créée par Noah Hawley et diffusée cette année sur la chaîne FX, est au niveau du long métrage, et on aurait envie de dire « normal » quand l’on voit que les frères Coen font partie des producteurs exécutifs du show.
Fargo, ceci est vraie une série
Fargo, c’est l’histoire de Lester Nygaard (Martin Freeman), petit assureur d’une ville du Minnesota à la vie bien tranquille, mais constamment rabaissé par sa femme, Pearl (Kelly Holden Bashar), et humilié par la réussite insolente de son frère, Chazz (Joshua Close). Suite à une altercation avec un ex « camarade » de lycée, Sam Hess (Kevin O’Grady), Lester va se retrouver à l’hôpital avec le nez en sang et rencontrer l’inquiétant Lorne Malvo (Billy Bob Thornton) qui va l’entraîner sur une route dangereuse.
Ce qui est frappant avec cette série, c’est sa ressemblance avec le film originel des frères Coen. Comme indiqué plus haut, les 2 frangins ont participé à la production du show et nul doute qu’ils aient influencé, implicitement ou non, le showrunner Noah Hawley et les différents réalisateurs ayant participé au tournage des 10 épisodes que compte Fargo.
On retrouve cette ambiance particulière qui caractérisait le film, assez feutrée dans cet environnement froid et neigeux. La série reprend aussi la mise en scène et les plans qui ont fait la renommée du long métrage, avec une caméra qui est rarement en mouvement et des plans larges pour les scènes où l’on retrouve plusieurs personnages ou ultra rapprochés qui permettent de ressentir certaines émotions éprouvées par les acteurs du show.
Le show se permet tout de même quelques « originalités » comme le fameux plan séquence du 7ème épisode mettant en scène une fusillade dont on ne verra rien mais qui nous scotche de bout en bout.
Lorne Malvo, votre nouveau méchant préféré
Pour revenir aux acteurs, on est face à un casting 4 étoiles, avec des habitués ou non des fictions télévisuels: Martin Freeman, Billy Bob Thornton, Colin Hanks (Gus Grimly), Adam Samberg (Mr. Numbers), Bob Odenkirk (Bill Oswalt), Keith Carradine (Lou Solverson), Kate Walsh (Gina Hess)… Le jeu de ces derniers est fabuleux, et rarement une telle qualité d’acting aura été atteinte dans une série télévisée. Les acteurs sont tous imprégnés de leur personnage et sont ahurissants de justesse pour nous entraîner avec eux dans, pour la plupart, leur vie quasi pathétique dans ce trou paumé du Minnesota.
On peut parler des 2 acteurs centraux du show, notamment de Martin Freeman qui confirme qu’il est un acteur de haute volée, réussissant à merveille à nous entraîner avec son personnage de Lester Nygaard (dites donc, ce nom ressemble étrangement à celui de Jerry Lundergaard…) dans sa folle descente aux enfers, basculant quelque peu dans une certaine folie meurtrière.
Et puis, en parlant de meurtrier, on ne peut pas omettre Lorne Malvo, qui est LE personnage du show, interprété de façon magistrale par MONSIEUR Billy Bob Thornton, exceptionnel dans ce rôle d’un tueur à gages éminemment intelligent, calculateur, emprunt d’une certaine ironie et sens de l’humour machiavélique. Avec son sourire en coin et ses manières doucereuses, Thornton incarne formidablement un assassin atypique, réussissant à nous effrayer et à nous faire sourire quasiment dans la même scène.
Un show formidablement bien écrit
Sur la forme, Fargo est une grosse réussite, mais s’agit-il d’une coquille vide ? Que nenni ! La série regorge de bonnes idées scénaristiques, prenant généralement le téléspectateur à revers et mettant en place une histoire exceptionnellement riche et bien foutue.
Les situations sont à la fois loufoques et terrifiantes, et les dialogues sont juste irrésistibles. Encore une fois, on est obligé de comparer le show à un film des frères Coen, tant les situations pathétiques dans lesquelles se retrouvent les personnages de la série ressemblent à du Coen pur jus.
La fiction pousse même le vice jusqu’à reprendre le fameux « Ceci est une histoire vraie » du début du film Fargo (dont l’histoire a en fait été inventée de toute pièce) et à nous le refourguer à chaque début d’épisode. Bien entendu, il s’agit encore d’une pure fiction, mais cela amène le doute à chaque fois que l’on regarde la série, de fait à nous questionner sans arrêt sur le bien-fondé d’une telle histoire et sur l’accumulation de situations absurdes parsemant le show (« Heu, ça s’est vraiment passé ? Comment est-ce possible ? »).
Alors non, la série n’est pas une copie du film, loin de là, l’histoire n’est pas la même, et, à l’épisode 4 (qui nous balance un gros poing dans la gueule), vous comprendrez exactement de quoi il retourne. Vous vous rendrez ainsi compte, une fois de plus, de la profondeur du show et du nombre d’idées foisonnant à outrance pendant ces 10 épisodes. Vous serez tout de même troublés par la ressemblance de certains protagonistes de la série avec ceux du film, notamment Lester pour Jerry Lundergaard, ou Molly Solverson (Allison Tollman) avec Marge Gunderson (Frances McDormand). Bien entendu, il s’agit d’un énorme clin d’oeil au film effectué par les scénaristes du show, et cela ne pourrait pas faire plus plaisir aux fans inconditionnels du long métrage.
Fargo est une putain de réussite, une masterpiece que je vous conseille absolument, la série excelle dans quasiment tous les domaines et nous offre un grand moment télévisuel. Etant un show anthologique, la saison 2 ne reprendra malheureusement pas les mêmes personnages, mais peut être les mêmes acteurs. Espérons alors que la 2ème partie de cette série soit au niveau de cette saison 1, qui est un nouveau joyau de la chaîne FX.