Enfilez votre masque et votre tuba, car avec The Ballad Singer, c’est une plongée dans vos souvenirs qui vous attend, à une époque où vous arpentiez encore la cour de votre collège en compagnie de Kevin, votre fidèle compagnon au visage granuleux, et de la douce Cynthia que vous aimiez secrètement. Ensemble vous vous rendiez régulièrement au CDI, cette antre où les livres régnaient en maître, que vous ignoriez soigneusement pour chaque fois lire les cinq mêmes bandes dessinées, le Graal que tous les collégiens s’arrachaient. Mais alors que vous feuilletiez un Petit Spirou (que vous aviez déjà lu mille et une fois), votre regard s’égara dans le vague : il s’attarda tout d’abord sur la poitrine naissante de Cynthia, qui fit naître une drôle de sensation dans votre bas-ventre ; puis, ignorant cet émoi socialement gênant, il se sentit intriguer par un bouquin au titre simple, et pourtant énigmatique : Un livre dont vous êtes le héros. Vous vous levâtes alors pour vous saisir de l’objet de votre curiosité, sans vous douter que c’était là votre premier contact avec l’Heroic Fantasy ; un contact ravivé aujourd’hui par The Ballad Singer, qui reprend tous les codes de ce genre de niche. Avec un certain succès.

Le choix de Sophie

Autant être direct : The Ballad Singer n’est pas à mettre entre toutes les mains. Car si le jeu des développeurs Italiens de Curtel Games présente des mécaniques de Gameplay simplissimes, il vise en revanche un public d’initiés, à la recherche d’une bonne tranche de nostalgie ou d’une expérience avant tout littéraire. Alors si avaler des kilomètres de texte n’est pas votre péché mignon (d’autant que le jeu n’est, pour le moment, pas traduit en français), vous pouvez d’ores et déjà passer votre chemin, puisque The Ballad Singer se veut plus proche du livre interactif que du jeu vidéo. Effectivement, son Gameplay tourne autour d’une seule mécanique de jeu qui consiste à lire du texte, encore du texte, un petit peu plus de texte, puis à prendre une décision (parmi plusieurs choix proposés) face à une situation donnée plus ou moins problématique.

Les décisions prises représentent le cœur du jeu, chacun de vos choix (même les plus anodins) pouvant avoir un impact important quant au cheminement du scénario. Ainsi, les conséquences d’un choix fait en début de partie peuvent tout à fait n’être visibles qu’après plusieurs heures de crapahutage, et l’histoire pourra alors prendre une toute autre tournure ou au contraire finir dans un cul-de-sac synonyme de mort ; mort que vous rencontrerez à de très nombreuses reprises (dont certaines très stupides) et qu’il ne faudra pas craindre. La richesse de The Ballad Singer réside dans sa rejouabilité et la découverte d’arcs scénaristiques inexplorables en un seul run.

Nous pouvons incarner quatre personnages différents (dont deux verrouillés en début de partie) : on y trouve Léon, le méchant sorcier au lourd passé ; Daragast, le guerrier empli de bonté et au lourd passé ; Ancalimo, le sombre assassin au lourd passé ; et Ancoran, la rebelle sylphe au lourd pass… Comment ça il y a un schéma qui se répète ? Chaque protagoniste dispose en tout cas de ses motivations propres, de ses vieux démons, et il ne sera pas rare que les choix faits par l’un influencent le parcours d’un autre. Face à la multiplicité des embranchements narratifs (on parle tout de même de 40 fins différentes), le travail des dév’ Italiens ne peut qu’être applaudi, tant celui-ci a du être titanesque pour que leur univers garde une cohérence solide.

Une ballade qui ne sort pas des sentiers battus

Parlons-en justement de l’univers de The Ballad Singer : l’action prend place dans le monde d’Hesperia, où une guerre fait rage entre des rebelles avides de liberté et un despote colérique dont la soif de conquête est insatiable. Si chez Curtel Games on parle d’un univers « novateur » force est de constater qu’on se trouve face à de la fantasy très classique, « fade » oseraient certains, qui ne révolutionne pas le genre. L’écriture elle-même, pourtant globalement propre, manque de punch et de mordant, et tombe parfois dans des poncifs maladroits. Cela se ressent particulièrement dans les moments censés être émouvants, qui arrivent de manière trop abruptes, sans développement narratif préalable, leur conférant un aspect superficiel dérangeant. Le doublage anglais, qui alterne le mauvais et l’insipide, n’aide d’ailleurs pas le joueur à s’immerger complètement dans le récit ; les émotions sont forcées, peu crédibles, avec en point d’orgue Ancalimo, l’assassin au lourd passé, dont la voix pincée digne d’un Gollum enrhumé est à mourir de rire. Heureusement, la musique, qui ne manque pas de morceaux épiques, est là pour réhabiliter une bande sonore blessée. À noter aussi la présence de belles illustrations accompagnant les textes, permettant de diluer l’austérité globale qui se dégage du titre.

Le mot de la fin

Pour peu que l’on sache où on met les pieds, The Ballad Singer peut vite devenir un passe-temps prenant, presque addictif, tant l’on prend plaisir à découvrir les multiples embranchements scénaristiques que les développeurs nous ont concoctés. Il faudra par contre lui pardonner quelques maladresses d’écriture, ainsi qu’un doublage peu convainquant qui n’aide pas à rendre les différents protagonistes charismatiques et inoubliables. Ces derniers sont, tout comme l’univers dans lequel ils évoluent, très classiques et ne crèvent que trop rarement l’écran. On est donc face à une oeuvre efficace, mais qui ne nous transcende jamais vraiment. Enfin, il est important de préciser que le test a été réalisé à partir d’un accès anticipé, et que certaines fonctionnalités pourraient être ajoutées d’ici la sortie définitive du jeu.

Les plus : Les embranchements scénaristiques par milliers ; De belles illustrations ; La musique sympa ; Durée de vie plus que solide ; L’écriture correcte…

Les moins : … mais victime de grosses maladresses ; Le doublage médiocre qui coupe l’immersion ; Des personnages peu charismatiques

Fiche du jeu

Titre : The Ballad Singer
Style : Jeu de rôle narratif ; Visual novel
Développeur : Curtel Games (IT)
Éditeur : Curtel Games
Sortie : En accès anticipé depuis le 27 septembre 2018
Plateformes : PC
Prix : 19.99€ sur PC
Langues : textes en anglais, voix anglaises
Site officiel : https://www.theballadsinger.com/
Informations à jour au 6 novembre 2018

Clé cd offerte pour la réalisation du test.